BONNE INITIATIVE MAIS RÉALITÉ DIFFÉRENTE
Nous voici en 2023. Notre monnaie libre commencée en 2017 a six ans en fonctionnement. Mais avant, cela a été préparé. Certains aspects remontent à la TRM, Théorie Relative de la Monnaie, thèse publiée en 2010. Des années se sont écoulées. Les bonnes intentions initiales sont-elles intactes? Faisons le tour de ce que promettait la monnaie libre et comparons avec ce qui se passe réellement. Où en est-on en 2023?
AUTONOMIE
Avec la monnaie libre, nous sommes censés aller vers une autonomie. Par rapport à la monnaie officielle, par rapport au système et aussi autonomie alimentaire. Sommes-nous détachés de l’euro? Surement pas, 99% de notre vie dépend de l’euro. Arrivons-nous à nous défaire du capitalisme? Pas du tout, chaque crise affecte autant les monnaielibristes que les autres. Les rares personnes qui ont réussi à se marginaliser sont du même ordre que parmi ceux qui ignorent la monnaie libre. Sommes-nous autosuffisants en nourriture? Non, on aurait pu s’attendre à des masses de jardiniers, d’éleveurs et de forestiers. Mais non, la monnaie libre propose très peu de ressources alimentaire.
CLEFS
Il y avait au départ une volonté de chiffrement asymétrique avec une clef privée et une clef publique. Ce qui devait permettre d’avoir une identité monnaie libre et aussi de la correspondance chiffrée. La clef privée a été mise aux oubliettes d’un sous-menu et le logiciel-client CÉSIUM demande par défaut deux choses, l’identifiant secret et le mot de passe. La clef publique est certes l’identifiant dans la chaine de bloc, le logiciel-réseau Duniter l’utilise. Mais, humainement, peut-on retenir 44 caractères? Ce qui est couramment utilisé, c’est le pseudonyme, plus humain.
COMMERÇANTS
Les premières années de la monnaie libre G1, on pensait qu’il fallait convertir les commerçants car notre monnaie devait être présente partout. C’est un fiasco. Hormis quelques cas isolés qui pratiquent le prix mixte ou avec un quota monnaie libre, la monnaie libre brille par son absence.
COMPTES MEMBRE OU PORTEFEUILLE
Au départ, le compte membre devait servir uniquement à capitaliser le Dividende Universel journalier tandis que les achats et dépenses devaient se faire sur compte portefeuille. Mais comment s’y retrouver? Déjà qu’il faut retenir un pseudo, alors si il faut payer ailleurs, c’est trop compliqué! Alors cette pratique a disparu. Les utilisateurs de la monnaie libre G1, appelés junistes, utilisent en grande majorité un seul compte, le compte membre.
DÉCENTRALISATION
Côté obscur, il y a plusieurs noeuds duniter, qui se parlent. C’est une décentralisation. Mais on est loin où chacun a son propre noeud. Pour les certifications, l’invention de la piscine est une horreur. Souvent les noeuds tombent. Seuls quelques noeuds sont fonctionnels et saturés. Côté utilisateur, il n’y a qu’un seul logiciel interface, CÉSIUM. On est loin de ce que d’aucuns nomment décentralisation.
DIVIDENDE UNIVERSEL
Ce petit complément de capital, qui chaque jour fait gonfler la masse monétaire, est le Dividende Universel. Dans la monnaie libre G1, il était prévu une unité de compte G1 et une unité relative, le DU. C’était le DU qu’on devait utiliser pour nos prix. Il y aurait fonte de la monnaie et plafonnement à un seuil de 3750 DU en monnaie pleine, dans… longtemps. Deux unités, qu’est ce que c’est compliqué! Dans les faits, en 2023, tout le monde compte en G1 et c’est déjà assez compliqué comme ça!
EURO ET ML
La monnaie-dette comme on l’appelle, vouée à bien des défauts est à fuir comme la peste. Il ne faut plus penser en euro, il ne faut plus aucun rapport avec l’euro. Euh, pourquoi au fait? Ceux qui nous disent cela se sont-ils affranchis de l’euro? Faites ce que je dis mais pas ce que je fais pour résumer.
INDÉPENDANCE
Qui arrive à vivre en 100% G1? Je compte les doigts levés… Il n’y a que dans les gmarchés qu’on voit que chaque juniste expose fièrement sa production et qu’on fait honneur en se fournissant aux amis. Cette partie de notre consommation n’arrive pas encore à nous rendre indépendants des crises de notre société. Mais il y a de l’espoir.
LIBRE ET CULTURE LIBRE
La monnaie libre est née du logiciel libre. En toute logique tout le monde devrait utiliser des logiciels libres et des protocoles ouverts. En réalité, les gens s’en foutent car les monnaielibristes ne sont pas libristes. Il est fréquent de voir passer du Youtube et du Télégram quand ce n’est pas « authentifiez-vous par Facebook ». Le libriste que je suis en reste pantois.
MONNAIE FORTE
Le DU est quasi-stable alors que les prix montent. La masse monétaire globale ne représente qu’une dizaine de bâtiments publics. En cinq ans avec 50 000 junistes, c’est peu. Rendons-nous à l’évidence, notre monnaie est faible.
PEUPLE
Une des rares choses positives de ce long constat, c’est que c’est une monnaie du peuple. Une monnaie souveraine. On ne s’appuie pas sur l’euro mais sur une formule mathématique qui permet la cocréation. De plus, contrairement à la première monnaie internet, le bitcoin, la monnaie libre n’est pas devenue spéculative. Elle reste une monnaie du peuple… pour le peuple.
POPULARITÉ
Les calculs optimistes du départ laissaient penser que des millions de personnes adopteraient la monnaie libre. On en est loin. Presque huit mille membres à ce jour plus les comptes-portefeuilles. La monnaie libre est loin d’être populaire, personne ne la connait. Il faut dire que, comme ça, je la trouve un peu trop compliquée, ce n’est pas pour tout le monde, il faudrait simplifier.
PSEUDO
Ce que je trouve bien dans la monnaie libre G1, c’est le pseudo. C’est court, souvent facile à écrire et c’est bien mieux que cet horrible clef publique de 44 caractères, ou moins… Mais la casse aurait dû être gérée avant toute chose. Par cette maladresse, on trouve des pseudonymes identiques à l’exception des minuscules / majuscules. Ainsi co-existent @eno et @ENO ainsi que @Zazou et @zazou… Si on m’avait demandé mon avis, j’aurais dit «Uniquement le bas de casse plus les chiffres» mais dans « monnaie libre » il y a « libre »…
REVENU DE BASE
La TRM, théorie relative de la monnaie, construite sur des études pour un revenu universel, laisse penser qu’un revenu de base est nécessaire dans une monnaie libre. Alors la G1 a instauré le DU, dividende universel, qui s’ajoute chaque jour aux comptes membres. Mais comme rien ne fixait les prix, le DU ne permet pas en 2023 d’avoir un revenu de base. Il ne permet pas de survivre. Au lieu d’être dans un système solidaire, on revient dans un système compétitif.
TAUX DE CONVERSION
Par définition il n’y a pas de taux de conversion par rapport à l’euro. La valeur d’un bien ou d’un travail doit être évaluée, souvent comparativement au DU et aussi sur d’autre critères, pour établir le prix. Mais cette gymnastique d’esprit est trop difficile. C’est pourquoi des règles non-écrites ont osé imposer un taux de change. On doit penser en euro et appliquer un taux multiplicateur. Cela va à l’encontre du principe de monnaie libre.
En conclusion, je dirais que, malgré des égarements, six ans après sa création, la monnaie libre est vivante et reste en progression. Ce qui est agréable, c’est les rencontres entre monnaielibristes. Les échanges sont fructueux. Notre monnaie devient bizarrement une sorte de prétexte pour être dans un groupe de gens qui aspirent à une vie différente. Le gmarché doit être un point central de notre réseau d’amitié et de partage.