Critique du DU

Je ne sais pas où tu as vu/lu/entendu cela, mais cette assertion me paraît erronée. Je ne vois pas en quoi la « conservation de la valeur de la monnaie libre » a quelque chose à voir avec « le profit de la propriété particulière des moyens de production ». La monnaie n’a de valeur que parce que des humains lui en accordent. Je ne vois pas en quoi une quelconque notion de propriété des moyens de production viendrait changer quoi que ce soit. C’est un autre problème indépendant de la monnaie.

Par ailleurs, on peut reprocher à de nombreuses monnaies d’être « basées sur rien », la monnaie libre est la seule à être basée sur… la vie humaine. En effet, chaque unité monétaire correspond à une tranche de vie humaine dans l’économie. Ainsi, celui qui utilise des unités monétaires libres sait ce qui fait le fondement de ce qu’il manipule. Ces unités ont peut-être été créées parce qu’il était lui-même en vie il y a quelques temps. Peut-être était-ce la vie de ses parents. De ses voisins. Ses enfants manipuleront pour un temps les unités qui ont été créées par sa propre vie. N’est-ce pas là la plus grande garantie de « valeur affective » qu’on puisse trouver ?

Que dire des arbres qui poussent ? De la pluie qui tombe ? Du camion/mulet qui abat les kilomètres sans broncher, transportant son important chargement ? Ne sont-ce pas là des productions de « richesses » ? C’est un mot qu’il faudrait définir précisément dans le contexte où tu l’utilises pour comprendre où tu veux en venir.

C’est ni l’un ni l’autre, les deux étant tout aussi subjectifs. Petit extrait de mon livre sur la monnaie :

On a parfaitement le droit de penser qu’une heure à tondre le gazon est équivalente en création de valeur à une heure de placement d’un pacemaker dans le cœur d’un patient pour qu’il survive. Celui qui le pense doit simplement être conscient que tout le monde n’est pas forcément d’accord avec lui (surtout le patient!).

Je ne vois pas où dans la TRM se trouve la « suppression du principe de réciprocité de l’échange ». Un échange reste un échange. Qu’il soit monétaire, marchand, basé sur le troc, basé sur le service, basé sur l’amour de son prochain. Il y a toujours réciprocité, même si elle peut parfois être difficile à déceler. Il me semble dans tes propos que tu ne critiques en fait pas du tout le DU mais la notion de monnaie elle-même.

Il y a une énorme différence entre :

  • taxons pour redistribuer une somme fixe à tout le monde,
  • créons de la monnaie sous la forme DU=cM/N.

La première dépend du bon vouloir de « ceux qui décident » pour sa revalorisation ainsi que du bon vouloir des riches de se laisser taxer… ils ne se sont jamais laissé faire depuis l’Antiquité - c’est-à-dire depuis que la monnaie existe -, je ne vois pas du tout pourquoi cela changerait demain. La deuxième ne laisse aucune chance d’échapper à la taxe équivalente et garantit la symétrie temporelle de la création monétaire.

Petit « teaser », un extrait de mon prochain livre à paraître sous peu :

Le Dividende Universel est parfois présenté comme « un revenu de base ». On a vu que, effectivement, le Dividende Universel est mathématiquement équivalent à un revenu de base dont le montant suivrait une certaine formule mathématique. En revanche, il est réellement important de comprendre que le financement du Dividende Universel par la création monétaire est le concept clé de la monnaie libre. En effet, les riches arrivent toujours à échapper au taxes depuis qu’elles existent. L’évasion fiscale était déjà un fléau qui tourmentait les officiels dans l’Antiquité, avant même l’apparition des premières pièces de monnaie. En 2018, c’est cent milliards d’euros qui échappent à Bercy dans l’année. Dans toute l’Europe, les estimations sont de l’ordre de mille milliards d’euros, des chiffres à faire tourner la tête. Autant les schémas pour éviter les impôts sont toujours possibles, autant il est strictement impossible d’échapper à la règle mathématique de la convergence des comptes par la création monétaire.
En d’autres termes, vouloir redistribuer des taxes est toujours voué à l’échec. Créer de la monnaie continuellement revient strictement au même mathématiquement pour un effet garanti.
Cela tire par ailleurs parti d’un biais cognitif : l’aversion à la dépossession. C’est ce qui nous rend triste lorsque nous « perdons quelque chose » (la taxe pour les riches) et nous rend heureux lorsque nous « gagnons » quelque chose (le dividende universel), même si ce gain peut cacher en fait une perte. Mais chut ! C’est toujours un gain de monnaie !

Suffisant pour faire quoi ?
Une monnaie, qu’on le veuille ou non, reste un outil qui permet d’assurer à un ensemble d’humains une participation juste de chacun à la société. Sinon, il n’y a effectivement pas besoin de monnaie. À voir, les premières minutes de ma vidéo pour le comprendre : https://www.youtube.com/watch?v=QppCIR6v8CQ

Il y a donc bien toujours un aspect « coercitif » à toute monnaie. Si cet aspect n’existe pas, alors la monnaie en question ne joue plus son rôle et devient totalement inutile. Mais quand on pense que c’est soit ça, soit le caillassage systématique du tire-au-flanc, la monnaie est finalement moins violente.

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