J’ouvre ce sujet pour avancer la réflexion sur la monnaie libre dans ces deux aires liées que sont le Maghreb et l’Afrique sub-saharienne. Plein de questions centrales de fond se posent :
- Comment et pourquoi envisager une monnaie libre dans sociétés qui restent encore très familiales, organiques, avec de forts échanges non monétaires internes.
- Des sociétés fébriles et précaires économiquement qui ont une relation à la monnaie - l’argent - qui ressort de logiques d’accaparement et de prédation (à divers degrés comme partout dans le monde), et qui sont désormais lancées à fond dans la course effrénée de l’intérêt collectif et individuel à court terme.
- Dans ce cadre une monnaie gratuite et libre, à faible capacité libératoire, qui ne rayonne ni du prestige quasi magique de la rareté, ni de celui de l’attraction mimétique des puissants et des riches, peut-elle avoir un écho dans des environnements de survie, de précarité où l’urgence est d’abord la nourriture primaire, les médicaments, la queue à l’hôpital, le matériel scolaire et coûts des études des enfants ?
- On trouve à Dakar, Casa, Ouaga, Abidjan, Alger, Tunis, Lomé, Bamako des ilôts intercuturels mixtes ou de culture++ regroupés autours d’ong, d’assos, d’Instituts français et autres, de café culturels, mais aussi de fablab…
- La culture du libre est peu développée en Afrique et au Maghreb car le marché informatique informel zappe allègrement les licences et « hacke » tout ce qui passe, des jeux, logiciels. J’ai commandé à Dakar, à Casa et Rabat des PC équipés par des boites qui ont pignons sur rue, équipés de logiciels piratés, avec en bonus la proposition de fournir, en plus d’antivirus, tous autres logiciels à la demande…
- Ceci dit, la capacité de réagir du milieu informel, le hacking permanent de l’conomie « officielle », le besoin crucial de sortir du cercle de l’enfer de la pauvreté et de la misère, les ressorts de la solidarité organique des sociétés, leur aspiration à la dignité plus qu’à la richesse artificielle, dont il mesure depuis toujours le prix, la vitalité de la jeunesse et son intelligence désormais « connectée », ouvre des horizons possibles…
- Il serait pertinent pour cela que la G1 se propose comme un levier de projet, pas seulement comme une idée qui fait circuler du lien (le lien social ne manque pas…), ni que des biens au sens d’une brocante de base (tous se récupère déjà sur place). Ni comme une idée émancipatrice au niveau épistémique ou micro-idéologique.
- Il faut du nerf qui mobilise des possibilités, il faut de l’effet levier dans lequel coincident la prise en compte de l’intérêt direct des gens, la possibilité de générer de l’accumulation à effet libératoire - d’accumuler et de dépenser pour ses besoins, le sentiment de contribuer à une cause qui porte les valeurs d’émancipation économique et culturelle autour de la valeur de dignité. C’est ce que commencent à comprendre certaines cryptomonnaies non libres qui se lancent en Afrique.
Pour terminer je concluerai par les pistes suivantes :
- Trouver un axe de formulation pertinent qui « parle » à ces régions autour de leurs urgences et de leurs sensibilité. Le rôle de personnes de « l’entre-deux », diaspora, amoureux de l’Afrique à l’esprit fraternel décolonisé, expats, migrants, geeks en réseau, familles mixtes…est fondamental. On voit que la permaculture s’est lancée au Maghreb et en Afrique par un arc solidaire comprenant les ong, assos locales, les expats, les diasporas…
- Une dynamique expérimentale de com-projets de terrain croisés Dakar, Abidjan, Casa, Tunis…Portés par des assos/ong et acteurs militants fablabs, économie sociale d’innovation…Des structures de financement en résonnances avec notre thème (il y en a ) pourrait financer cette dynamique. Il faut se coaliser et formuler un projet.
- Des « départs de feu » à partir d’ancrages locaux qui apparaitrons sans doute, nous pouvons en activer au Maroc pour ce qui nous concerne.
…
C’était juste quelques idées à débattre, discuter, approfondir, qui ont le défaut de n’être que les miennes mais ont l’avantage de lancer le sujet !