@Miragide Les économistes en blouse blanche sont généralement les plus difficiles à convaincre de la pertinence de la monnaie libre. Il y a de nombreuses raisons à cela.
Pour commencer, il y a évidemment la simple résistance à la nouveauté, c’est humain.
Toute discipline technique, que ce soit dans le domaine médical, scientifique ou même du plombier, a ses « experts » qui ne sont d’ailleurs jamais d’accord entre eux, c’est criant avec les économistes. À force de se spécialiser et de ne regarder sa discipline que par le bout de sa propre lorgnette, de répéter chaque fois les mêmes gestes, de valider par chacune de ses expériences par le biais de confirmation ses propres théories, chacun s’est creusé dans son cerveau des circuits bien rodés, un chemin confortable, tel un tigre en cage.
Sortez de ce chemin, et vous êtes forcément dans l’erreur, avec moult justifications et la conviction de celui qui a forcément raison, puisque par définition il est « expert » du domaine. D’où les éternelles chamailleries entre techniciens pour qui le voisin/collègue/concurrent fait toujours « n’importe quoi ». Et le non expert « officiel » est immédiatement ridiculisé et écarté, du moins dans leur tête, ce qui rend le dialogue difficile.
D’autre part, la Ğ1 est un peu aux économistes ce que la relativité a été aux scientifiques du début du XXe siècle : un paradigme qui bouscule tellement leur formatage qu’il leur est difficile de ne pas immédiatement rejeter l’idée. Cela peut se comprendre.
Typiquement, l’une de leur principales raisons d’être est de créer et détruire de la monnaie pour « faire en sorte que la masse monétaire s’ajuste aux besoins de l’économie », ce que la Ğ1 ne permet pas. Pire, c’est même une pratique que la monnaie libre condamne, puisque cela détruit d’une part l’égalité spatio-temporelle, et d’autre part l’outil de mesure même qu’est la monnaie. Ça commence mal, on les met d’emblée au chômage ! On leur enlève dès le départ leur principal joujou : créer ou détruire de la monnaie. Il ne leur reste plus qu’un seul champ d’existence : les analyses économiques où ils sont relégués au simple rang de statisticien - je caricature, mais pas tant que ça. Ce n’est forcément pas très vendeur de leur côté. Difficile de leur faire comprendre, ou plus exactement de leur faire accepter, qu’une grande partie de ce pour quoi ils ont été formés est totalement contre-productif ! Immédiatement, ils vous bombardent de questions du genre « et comment va-t-on financer les grands projets ? », « comment maintenez-vous la stabilité des prix ? », « comment comptez-vous endiguer le chômage », etc. Il est totalement inutile de répondre à ces questions puisqu’ils ont déjà la réponse : vous avez tort. Vous aurez beau amener des réponses, elles seront rejetées d’un revers de main, sans aucun argument. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Un autre aspect à considérer est que, paradoxalement, beaucoup d’économistes considèrent que la monnaie en elle-même et sa création n’ont que peu d’importance, ce qui est en contradiction avec mon paragraphe précédent. Mais on n’est pas à une contradiction près dans le monde de l’économie ! Ce sont les rouages économiques qui les intéressent davantage. Ils considèrent que la monnaie utilisée est « neutre » et n’a pas grande influence. La monnaie libre est donc de peu d’intérêt pour eux. Alors qu’au contraire, il paraît évident à quiconque a joué à un Ğeconomicus que la monnaie et sa création ont une influence primordiale sur l’économie.
Enfin, nombre d’économistes commencent à pointer du doigt les problèmes liés à la monnaie-crédit, ce qui est déjà un bon pas en avant, mais très loin d’être suffisant. Par ailleurs, ces économistes « vendent » souvent quelque chose : la peur. Avec la Ğ1, leur fonds de commerce ne tient plus, donc ce n’est certainement pas une voie confortable pour eux. Il vaut mieux avoir des problèmes à présenter que des solutions.
Bref, je n’ai donné ici que des exemples parmi d’autres, mais cela vous donnera déjà matière à réflexion. En persévérant, il est possible de faire des fissures dans leurs armures, mais cela prend du temps car le cerveau formaté a besoin de déconstruire ses chemins neuronaux, ce qui se fait rarement sur le court terme, surtout quand ceux-ci sont le résultat d’années voire de décennies d’activité, de militantisme et de croyances, voire parfois même d’image publique, ce qui est encore pire. Aussitôt la fissure apparaît, elle est immédiatement colmatée. Et, pour un expert, avouer publiquement que tout ce qu’on a fait jusqu’à maintenant ne valait pas un clou, ça fait tomber du piédestal, ce qui est très douloureux. On préfère éviter la douleur, c’est humain. En conséquence, il va probablement être un peu difficile d’avoir un expert en blouse blanche plébisciter la Ğ1. Mais qui sait ? Les idées circulent très vite et tout bouge à toute vitesse, tout est possible. Tous ne sont pas obtus, loin de là. Et certains, fonctionnaires chercheurs ou pluridisciplinaires, n’ont rien à vendre, pas même leur image, et sont parfaitement à même de comprendre et d’intégrer les concepts de la monnaie libre.
Il reste tout de même à convaincre les actionnaires des principaux médias qu’ils ont intérêt à plébisciter la Ğ1. La encore, cela risque d’être difficile. Ne pouvant plus amasser de larges parts de monnaie, je doute que les milliardaires voient la Ğ1 d’un bon œil. Mais qui sait, peut-être que, ne serait-ce que pour maintenir la paix sociale, certains d’entre eux seraient prêts à faire quelques gestes…