POURQUOI faut-il profiter de l’abandon massif de whatsapp pour rétablir la liberté dans la messagerie instantanée ?
Les standards ouverts, berceau d’Internet
Contrairement au réseau téléphonique -historiquement géré par une seule entreprise dans la plupart des pays- Internet se compose de dizaines de milliers de réseaux interconnectés et gérés mondialement par des fournisseurs de services : des entreprises, des associations, des universités, des gouvernements et autres entités.
Internet incarne une idée technique: celle d’une architecture ouverte permettant de relier des réseaux hétéroclites. Cette architecture ouverte était à l’image de l’état d’esprit fondateur d’Internet : neutralité, partage et liberté.
Mais il ne suffit pas de relier physiquement les réseaux: il faut aussi parler un langage commun. Et c’est grâce aux standards ouverts, gérés par l’Internet Engineering Task Force (IETF), que ces réseaux hétéroclites ont pu communiquer entre eux comme un seul réseau. Cela a permis d’atteindre le succès que l’on connaît aujourd’hui.
Ainsi sont nés, dans un travail de recherche collaboratif, les protocoles de communication universels qui permettent d’accéder à des ressources à partir de leur nom (DNS), de lire des pages web (HTTP), d’échanger des mails (SMTP, IMAP, JMAP) et d’échanger des messages instantanément (XMPP).
C’est grâce à cela que n’importe qui peux créer du contenu, offrir des services, échanger des produits et discuter librement sans avoir à demander la permission d’une autorité centrale!
La messagerie ou mail
Les premières versions du mail « actuel » sont apparues en 1982, et étaient issues du groupe de travail « réseau » de l’IETF, sous la forme du Simple Mail Transport Protocol (SMTP). Par la suite, la messagerie a évolué en ajoutant petit à petit de nouvelles possibilités, tout en restant toujours accessible à tous. Ce standard, vieux de 39 ans, est encore pleinement présent dans la vie de tous les jours. Un simple échange de mail met en lumière ces idées qui n’ont pas changé depuis ses origines :
- Votre correspondant n’est pas obligé d’utiliser le même fournisseur de mail que vous, pour que vous puissiez échanger des emails: une adresse mail chez yahoo peut correspondre avec une adresse mail chez sfr.
- Le mail est lisible quelque soit votre matériel et votre logiciel / application.
- Vous avez la liberté de changer de fournisseur ou même d’être votre propre fournisseur tout en continuant à communiquer avec vos anciens contacts. Il suffit de leur donner votre nouvelle adresse.
La messagerie instantanée
Très vite, les systèmes de messagerie instantanée ont dérivé vers un cloisonnement extrême. Apparu en 1988 comme standard ouvert, l’Internet Relay Chat (IRC) a successivement vu naître une série de protocoles fermés, issus des logiciels ICQ, AIM, Yahoo messenger et MSN.
En 2004, le protocole XMPP a été normalisé par l’IETF, permettant enfin l’émergence d’un standard moderne universel.
xmpp en chiffre
Cette toile comprends plus de 13 000 serveurs dans le monde, regroupant particuliers, associations (« La quadrature du net », « l’april », « les chatons » …), entreprises, multinationales et gouvernements…
Il existe une multitude de clients avec toute sorte de technologies (web, natif, dans un terminal, etc…), des utilisations différentes (bloggage, sav, jeux, IOT) et sur tous types de plateformes (Linux, Windows, MacOS, iOS, Android).
Malgré l’émergence de ce standard moderne universel, la valse des logiciels de messagerie continue : ces logiciels sont associés aux produits phares de chaque entreprise, tous incompatibles les uns avec les autres : Skype, Facebook messenger, Whatsapp, iMessage, Telegram, pour les plus connus.
A leurs débuts, certains logiciels comme la messagerie Facebook ou Skype, ont été compatibles avec la norme XMPP. Mais une fois le nombre d’utilisateurs suffisants, ils en sont sortis pour créer leur réseau fermé.
Cette fragmentation est marquée au point qu’à présent, les utilisateurs de ces différents réseaux sont dans l’incapacité de communiquer les uns avec les autres : ils sont cloisonnés, et peuvent difficilement s’en extraire à cause de l’effet réseau: il leur faudrait convaincre tous leurs contacts de basculer vers un autre réseau ou d’utiliser un protocole standard ouvert pour pouvoir de nouveau communiquer.
Actuellement, il est triste d’observer un foisonnement de protocoles plus incompatibles les uns que les autres. Aucun travail de concertation avec l’IETF n’est effectué pour faire en sorte que tout le monde puisse communiquer ensemble. Au contraire, les acteurs de la messagerie instantanée imposent leurs « standards » de force ou rendent volontairement leur réseau fermé.
Le cas signal : techniquement « libre » et « décentralisé », mais en pratique… fermé et centralisé, tout comme ses homologues propriétaires
- Le code source du client, du serveur et du protocole est libre
- Il est donc possible de créer un serveur alternatif avec les mêmes logiciels serveur et client
- Mais son développeur est contre le principe d’un réseau ouvert avec serveurs fédérés :
signal dev
I’m not OK with LibreSignal using our servers, and I’m not OK with LibreSignal using the name « Signal. » You’re free to use our source code for whatever you would like under the terms of the license, but you’re not entitled to use our name or the service that we run.wikipedia
Les développeurs de Signal ont choisi d’utiliser une architecture réseau centralisée pour assurer le service17. Ce choix est intrinsèquement politique et il est souvent difficile de placer le curseur entre sécurité et accessibilité. Les développeurs motivent leur décision par le fait qu’il est difficile de développer rapidement sur des réseaux décentralisés, qui ne seraient pas tous à jour et donc sécurisés. Les développeurs affirment que la décentralisation n’est pas une fin en soi et qu’il est préférable de remettre ses métadonnées à un acteur de confiance qui les efface, qu’à plusieurs potentiellement non fiables39,17.
- Conséquence de ce choix: signal rend ses utilisateurs captifs, tout comme les autres réseaux propriétaires.
Mot de la fin
La pérennité d’un système de communication se mesure à son nombre d’utilisateurs et à l’ouverture de sa gouvernance. C’est grâce à cela que les mails fonctionnent partout dans le monde et que vous pouvez accéder aux pages web en toute indépendance.
Aujourd’hui, les messageries instantanées, associées aux réseaux sociaux, sont de plus en plus présentes dans la vie de chacun. Depuis toujours, Internet est un espace libre. Hélas, les messageries instantanées les plus utilisées actuellement érigent des murailles, qui constituent une menace à cette liberté.
Alors pourquoi ne pas utiliser une messagerie instantanée ouverte qui respecte les standards définis collectivement?
Nous ferions ainsi le choix d’une communication libre, universelle et sans frontière, à l’image de l’esprit d’ouverture fondateur d’internet.
auteur : Yann, relecture : Ludivine / Hugo, schémas : Mathieu, publié sur le réseau XMPP à partir du client web Movim
- il y a 2 salons xmpp qui existent déjà pour la monnaie libre : gchange@muc.duniter.org et duniter@muc.duniter.org
- Article original commentable en xmpp en vous connectant avec votre compte xmpp (ou en créant un nouveau compte) sur le client web movim et en allant à cette adresse.
- Accès au billet original sans compte xmpp.