Financement en euros, pourquoi j’ai changé d’avis?

Je suis en premier lieu un grand partisan du 100% june. Notamment pour le développement local d’une économie libriste, encaisser des euros représente un frein majeur. Il empêche une réelle créativité, l’imagination de créer d’autres façons de fonctionner, autrement qu’avec tous les schémas familiers. Ceux-là mêmes qui conduisent notre économie où elle se trouve maintenant. Construire une économie nécessite de créer des filières, de produire des biens et services, avec des référentiels relativistes et nos propres échelles de valeurs, que nous définissons nous-mêmes. Tout cela implique quelques sauts périlleux. :stuck_out_tongue:

Problème ! :thinking:
Créer une économie ne se fait évidemment pas en un claquement de doigts, la magie des bonnes volontés ne suffit pas, il faut du temps. Beaucoup d’efforts et de persévérance. Heureusement, le plaisir est là pour nous guider. La monnaie libre est un outil qui pour la première fois nous permet de l’envisager - puissant et excitant - mais pas une baguette magique.
:magic_wand:

Nous baignons encore totalement dans une économie omniprésente, qui asservit le plus grand nombre, qui place l’être humain à son service, comme un outil ou une variable, souvent encombrante car difficile à gérer. On ne peut effectivement pas - encore - programmer le fameux PFH comme un algorithme docile, exécutable, même si on s’en approche dangereusement. [ Au cas où … PFH, comme Précieux Facteur Humain, vs. Putain de Facteur Humain ; pas FPH comme Fonction Publique Hospitalière ] Nos faits et gestes sont verrouillés par cette économie, elle-même programmée par son code monétaire. Bref l’euro, à ce jour en Europe, est évidemment incontournable.
Les exceptions rarissimes ne sont pas fatalement des modèles possibles à répliquer ; ils sont certainement très inspirants, mais pas fatalement non plus si enviables. Hommage à un homme remarquable, Fred, qui a franchi ce cap. :medal_sports:

Je crois donc que du côté de nos expériences locales et notre créativité, il faut s’efforcer de pousser le curseur monnaie-libriste le plus loin possible, en permanence, sans relâche, quitte à aller plus doucement, pas à pas.
Chercher à aller plus vite, espérer une « immédiateté », est un leurre, une piste glissante.
Je rends hommage à toutes les personnes qui transfèrent un bien ou un équipement de l’économie euro, vers une économie juniste. Ce sont toutes des mécènes artistiques. Chacun(e) peut le faire, à son échelle, à hauteur de ses moyens. Total respect.
:balance_scale:

Donc, lorsque j’ai vu apparaître le registre d’un financement en euros de l’écosystème technique de la monnaie libre, mon premier réflexe était négatif, mes émotions qui l’emportaient étaient plutôt dans le registre de la déception, voire de la suspicion. Stéphane lui-même met en doute la cohérence de faire appel à des euros pour développer une monnaie libre, car ce serait comme développer des logiciels libres avec des logiciels non libres.
Mon ressenti plus perso, c’est que l’on cultive collectivement la promesse d’une monnaie décorrélée de l’euro, et bang :hammer:, certains vont en chercher dans les institutions et nous en demandent.
Est-ce louche ? Est-ce une trahison ? :cold_face:
:eyes:
Je ne pouvais pas rester sur cette position, il me fallait en avoir le cœur net. Je suis donc allé passer une semaine avec les devs (une partie des devs), ceux-là mêmes qui se mobilisent pour trouver des euros.


Une semaine dense et intense.

J’ai été conquis, totalement, par les états d’esprit, les ouvertures d’esprit, la profondeur des raisonnements et la sincérité des engagements.
:heart_eyes:

Aucun(e) ne cherche à exploiter les rêves de monnaie-libristes pour capter des euros, j’en ai maintenant le coeur net.

Le fait que nous ayons bénéficié d’une plate-forme complète et opérationnelle dans le plus complet bénévolat, pendant plus de 5 ans, est un petit miracle. Hommage à tous les RMListes qui y ont contribué, dont @Galuel bien sûr sans qui rien de tout cela n’existerait. Je ne fais pas de liste, je risquerais d’en zapper quelques un(e)s.
:pray:

Mais ce qui a bien tenu pour 3.000 utilisateurs, est devenu trèès difficile à maintenir pour les plus de 7.000 que nous sommes maintenant, et ne tiendra plus pour les 15.000 à venir. Il y a non seulement la question du volume de personnes et de transactions, de la charge, mais aussi la multiplication des besoins au fur et à mesure d’une économie qui prend corps.
:face_exhaling:

Je n’exprimerai pas que l’écosystème technique est en péril, d’ailleurs ce n’est pas encore le cas à proprement parler. Et surtout, c’est un discours que les devs s’interdisent, car il serait perçu comme une sorte de « menace », voire de « chantage ».

Je ne suis pas développeur, ni administrateur système, mais j’ai commencé à entreprendre dans l’internet en 95, de façon relativement précoce ; j’ai donc recruté et travaillé avec des devs et des admins toute ma première vie. Petite confidence pour préciser pourquoi je peux appréhender qu’une telle plate-forme, aussi pointue et prenant l’ampleur qu’elle prend, et le chantier lui-même de la migration V2, nécessite au bas mot une bonne demi-douzaine de personnes de très grandes compétences et mobilisées en permanence.
:nerd_face:


Cédric est un exemple frappant de bénévolat. Il dispose naturellement d’un - très - gros portefeuille de junes, c’est une juste reconnaissance emblématique des utilisateurs, mais pour l’instant ça lui fait une belle jambe. Ce n’est pas ça qui permet de vivre, de bouffer tous les jours, encore moins de payer un loyer, ni régler les coûts de l’énergie. Et tant que nous n’aurons pas, dans tous les bassins de vie, créé l’économie qui le permettra, ce ne sera possible pour personne.
@Cgeek n’attend pas et ne souhaite pas recevoir des euros. Beaucoup d’autres ont la même position, @kimamila par exemple qui nous offre Cesium. Une très grande majorité en fait. Immense respect.
:pray:

Tous les devs ont donné, beaucoup, certains uns se sont donnés comme … des moines, mais on ne peut pas souhaiter que les bonnes âmes se sacrifient non plus, si ?
:thinking:

Depuis plus de 7 ans, les devs se complètent ou se relaient, plus de 40, c’est beau, mais en fait c’est très peu.
Tout ce que nous utilisons, tout ce que nous voyons et ce que nous ne voyons pas, repose sur ce bénévolat. Il est encore essentiel et le restera très longtemps, j’espère même tout le temps.
:partying_face:
Alors pourquoi cela ne continuerait-il pas ainsi ?
:star_struck:

Tout est question de temps, de synchro. Le bénévolat est bien trop aléatoire, trop sujet à l’essoufflement. Pour pouvoir créer une économie qui change la donne, il nous faut un système monétaire suffisamment performant et robuste. Il nous faut pouvoir compter sur sa fiabilité et sa longévité. Dès maintenant. L’anticipation est pour ainsi dire … vitale.

Le bénévolat ne suffira pas, la migration V2 et l’écosystème technique qui en résulte, nécessite quelques devs à plein temps, des temps partiels dans la durée, les premiers ont besoin d’euros, aujourd’hui, ce n’est pas une « trahison » ; j’en ai maintenant le coeur net.

Quant à l’objection - contrariante - de Stéphane, je me rends compte que si l’on regarde de plus près, il y a un biais.
Ici, mon propos est : « ne pas utiliser l’euro pour construire une économie libriste ». Je respecte donc la cohérence pointée du doigt.
Ici, l’écosystème technique Duniter et tout ce qui gravite autour est du logiciel libre, développé avec du logiciel libre. Cohérence également respectée.
Ici, le financement euro porte sur une modeste rémunération de quelques devs qui en ont besoin pour « s’engager » à hauteur suffisante. D’autres devs sont également rémunéré(e)s en euros pour développer des logiciels libres, beaucoup même. Donc rien de rédhibitoire.
Ouf, la cohérence triomphe. :v:
Allez, @Galuel sois beau joueur, ne me casse pas cette belle démonstration…
:sweat_smile:


Les devs qui l’ont décidé et qui se sont collés à la quête de financements suffisants, ont choisi l’association Axiom Team pour jouer ce rôle de portage et de passerelle avec l’économie euro.
Je suis maintenant tellement convaincu, que non seulement je n’ai plus d’hésitation pour cette démarche, mais aussi j’ai décidé de me mobiliser à son service, au moins une année.

C’est ainsi que je me retrouve avec un blason sur ce forum, il est pour moi tout nouveau, ça fait un peu bizarre je suis loin de trouver que j’en ai la moindre légitimité. Mais tant pis, j’ai décidé de l’assumer.
:face_with_spiral_eyes:
Du coup, avant que je ne sois trop « étiqueté » comme étant « dedans », je tenais à partager avec vous tout ce vécu, en tant que simple utilisateur, que sceptique sincère.
Le propos de mon post est de « libérer » d’autres sceptiques qui ont raison de l’être, de leurs doutes les plus persistants pour les transformer en une plus constructive … vigilance.
:face_with_monocle:
C’est cette vigilance que personnellement je maintiendrai grande, c’est un rôle que je prévois de jouer.


Bon j’arrête je suis trop long comme d’hab, pour conclure un message du coeur :

Investissez vos euros sur la nécessité technique de notre monnaie libre, comme vous le pouvez, essayez de les oublier sur vos Ğmarchés, autant que vous le pouvez.

On peut y arriver :wink:

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Le lien pour faire des dons : Financement de la ğ1v2 - AXIOM TEAM

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Salut :slight_smile:
Je suis tout à fait d’accord avec ton discours !!

Et pour parler de cohérence, justement les logiciels libre sont un très bon exemple parce qu’il est totalement possible de développer un logiciel libre avec des logiciels non libre et ce n’est pas un manque de cohérence.

Concrètement un développeur qui utilise Windows ou MacOs (qui sont des logiciels privateur/propriétaire) peut tout à fait développer pour Duniter ou Cesium qui sont des logiciels libres.

De même, la monnaie est un outil.
Les euros peuvent être utilisé pour faire de belles choses, comme participer au Financement participatif d’Axiom Team :wink:

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je partage complétement ce texte (très bien écrit)
A+

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Pour créer le premier DU, il a fallu acheter un serveur en UNL, alimenté par de l’énergie payée en UNL.
Puis un acte de bénévolat pour programmer, tester, puis installer et lancer la première instance de Duniter.

En résumé, impossible de démarrer la June sans UNL.

Elle existe désormais par :

  • Mécénat en UNL (location des serveurs, facture électricité, location de noms de domaines, etc)
  • Mécénat en UNL remboursé en Junes (s’il y a un coût caché en UNL qui est offert, derrière un paiement en Junes)
  • Bénévolat pour des services ou la production de biens nécessaires, ce qui inclus les logiciels (un logiciel est un bien).

MAIS !

Le bénévolat peut être considéré comme du mécénat UNL car si je ne demande rien pour mon serveur Duniter, ni UNL, ni Junes, (bénévolat) , je dois néanmoins financer les dépenses UNL de ce même serveur, ce que je fais (c’est donc du mécénat en UNL).

La frontière est donc floue entre le bénévolat et le mécénat, car il y a souvent un coût caché en UNL qui transforme de facto l’action bénévole en mécénat.
En tirant la corde à fond, on peut même arriver à démontrer que le bénévolat n’existe pas, s’il y a un coût caché, il n’y a que du mécénat. Mais je laisse ça à d’autres. Un relativiste n’affirme rien sans son avocat… :wink:

Donc les financements participatifs ne sont que la poursuite du mécénat UNL existant, mais en ajoutant des intermédiaires (personnes payées par les mécènes) entre le service ou le bien fourni, et le ou les mécènes.

Comme dans tous les domaines du mécénat, charge aux mécènes de vérifier que leur financement aille bien au bout de l’objectif voulu et demandé aux intermédiaires et ne soit pas intercepté par un intermédiaire, sans que le travail promis soit fourni.

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